Février 2003

   
         
         
  1er février

Journée épique. Grèves dans les transports en commun. Il m'a fallu tout d'abord 1h pour rejoindre Kaba à Saint Mandé. Dans le bus 86 pris à Nation, car la ligne de métro 1 était totalement paralysée, j'apprends qu'il y aura des manifs dans l'après-midi à la Bastille vers 14h30/15h00 et donc plus de service. Du coup, nous avons juste eu le temps de nous régaler de poulet à la citronelle et nouilles sautées dans un petit restau chinois ("Bonne Année" ai-je souhaité à la jeune serveuse qui n'a même pas souri... Autant pour le pays du sourire éternel !!!!) en échangeant les dernières nouvelles. J'ai quand même penser à lui demander de réfléchir à un dessin pour la page d'accueil de mon journal. J'ai envie d'en changer. Et le fait est que j'aime beaucoup les dessins de Kaba.

Ensuite, attente du bus sous la neige. Je ne m'en plaindrai pas j'adoooooore la neige mais c'est le vent glacial et l'attente que j'ai nettement moins appréciés. L'étape suivante : le Musée Guimet. Au chaud dans le bus, j'échafaudais tous les plans possibles pour y retrouver Sang-Po sans trop de retard. Autour de moi, les parisiens se parlent, échangent des informations sur le traffic, se prêtent plans de métro et même un portable (à une toute jeune fille qui pleurniche parcequ'elle va rater un cours ? ou un séminaire ? à la Maison de la Poésie)... au point qu'à un moment le niveau sonore devient étourdissant : trois passagers au portable, deux espagnoles à la voix bien vibrante et à la "rota" bien "rotante" qui lisent leur guide à chaque monument que nous dépassons (Bastille, Garde Républicaine, Ile Saint Louis, Institut du Monde Arabe, Saint Michel blablabla blablabla). Changement de bus à Odéon. Coup de chance fabuleux ... Hop, je saute dans le bus 63 qui arrive juste derrière mais qui est plein à ras .... Jouer du coude, poser les deux pieds bien à plat en négociant l'espace au sol, enlever le sac à dos pour le mettre entre les jambes (journée idéale pour les pickpockets), retenir son souffle car le monsieur juste au-dessus (qui me dépasse d'une tête) sent l'ail .... La masse a des mouvements d'expansion lorsqu'il s'agit de ne surtout pas laisser monter un clochard avec tous ses sacs en plastique et de rétraction lorsqu'il s'agit d'une vieille dame aux yeux implorants ou d'une maman avec poussette (malheureuse !!!)

Arrivée au musée toujours sous la neige qui commence à tenir au sol et sur les arbres noirs qui se découpent sur un ciel bas et gris place d'Iéna. Sur la porte vitrée, une affiche expliquant que par solidarité pour les manifestants (je crois qu'il s'agit des retraites) le musée fermera à 16h45 exceptionnellement. C'est y pas magique ! Avoir traversé tout Paris, malgré tout, pour venir voir cette expo sur les "Rituels tibétains" et réaliser que nous aurons tout juste 1h30..... Sang-Po, joint sur son portable, fait preuve d'un timing irréprochable et arrive au moment où je prends les billets. Nous réalisons que Lung-Tok tient un atelier de calligraphie ce même jour mais il finit bien plus tard. Nous ne le verrons donc pas.

Donc place à l'enchantement et à l'étrange : les visions du Vème Dalaï Lama puisque c'est de ça dont il s'agit. Un seul regret, les panneaux explicatifs de l'expo sont un peu sommaires pour un tel sujet et d'aucune aide pour les "néophytes" que nous sommes. Reste le plaisir esthétique et le peu que nous connaissons du boudhisme tibétain (en réalité, franchement pas grand chose). Je retiens surtout les peintures noires (nagthang), les divinités gardiennes à l'air courroucé symbolisant l'énergie puissante à mettre en oeuvre pour vaincre les obstacles sur la voie de l'éveil, les incroyables peintures d'offrandes (gyentsog) avec force armes et coupes symbolisant l'abandon des sens (remplies d'yeux, coeurs et autres organes) et l'extraordinaire Manuscrit d'Or ou Manuscrit des Visions Secrètes (expériences visionnaires du Dalaï Lama entre 1674 et 1681) dont il n'existe que trois ou quatre versions manuscrites au monde. Ces écrits n'étaient destinés qu'à un petit cercle d'initiés et ne furent jamais imprimés. Ils expliquent la façon d'accomplir les pratiques rituelles, les dispositifs nécessaires à chaque cérémonie (extraordinaires dessins, fines lignes dorées sur fond noir qui soulignent et font vibrer chacune des couleurs d'une coupe, d'un tissu, d'un outil...). Compte tenu de la richesse de l'exposition et du peu de temps que nous avions, c'est malheureusement arrivés dans la salle où se trouvaient les 56 pages exposées du manuscrit et de fabuleux mandalas (que mes yeux n'ont fait que caresser hâtivement) qu'il nous a été demandé de quitter le musée. C'était à craindre.... Mais nous reviendrons et, cette fois-ci, il est possible que nous demandions à Lung-Tok de nous accompagner.

Montmartre sous la neige

 
         
  2 février

J'ai un peu honte mais alors que j'écris je suis au téléphone avec ma grand-mère. Faut dire que je suis dans le gaz et que ça facilite grandement les choses car, comme elle n'entend plus très bien, nos conversations n'en sont plus depuis un moment et elle monologue pas mal. La nouvelle du jour, c'est qu'elle n'a pas voulu ouvrir à un prêtre qui venait lui rendre visite ce matin, ce dont sa cousine ne l'avait pas prévenue. Autour de sa maison, la campagne est toute blanche, la rivière fume sous l'effet du froid. D'ailleurs G. m'a envoyé une photo prise du moulin où il habite par mail ce matin.

Je reprends le clavier car faire deux choses en même temps j'en ai l'habitude au travail mais en ce qui concerne les personnes qui me sont proches je n'y arrive pas et je ne le veux pas. Ma chère Obaasama mérite toute mon attention.

Hier soir, ce qui n'était pas prévu, je suis sortie à 23h00 pour rejoindre Marie, de passage à Paris, dans un bar sur les Grands Boulevards. Six wisky sours (à l'origine du mal de crâne qui ne m'a pas quitté depuis le réveil) et longue conversation jusqu'à 4 heures du matin. Marie me conseille de changer de boulot, de vivre une aventure passionnée avec A., de partager l'assiette de frites qu'elle commande, de partir là, maintenant avec l'homme de la table d'à côté qui me fait un grand sourire et qui pourrait faire un amant divertissant et se chagrine même que je n'aie pas de préservatif sur moi car, après tout, dans les toilettes très chics de l'établissement ça pourrait être une expérience. "Je suis prête à t'attendre 5 mns ici toute seule" lâche t'elle dans un éclat de rire devant mon regard outré et chaviré.... Bref ! Moultes crises de fou rire. Emméchée, Marie, épouse fidèle et mère de 4 enfants, voudrait avoir ma liberté et moi je voudrais une grande maison à la campagne et 5 bambins blonds et divins.

Nan, même pas vrai s'est-on dit en se séparant et se promettant un revoir proche.

Bilan du week-end : ce soir, je ne vais pas faire de vieux os. Je ne sais toujours pas comment insérer une photo dans ce journal. Je n'ai pratiquement pas trainé sur le oueb (bien ! je me félicite !). Je ne suis pas allée faire de la marche rapide à Montmartre avec A. ce matin (ben oui, on s'est dit qu'en s'entraînant à deux, ça serait plus sympa) mais, promis, j'y serai dimanche prochain ! J'ai trop bu mais quasiment pas mangé (ça compense, non ?).

         
  4 février

"Mademoiselle, ne me remettez pas la musique, j'exige de pouvoir vous parler, vous m'entendez, c'est insupportable ...." "Joya Blabla, bonjour. Non je ne vais pas remettre de musique car vous n'êtes plus au standard" ai-je répondu à la cliente hystérique qui m'en a sorti des vertes et des pas mûres sur la qualité de l'accueil de notre société (il faut dire qu'elle a attendu 10 mns avec à l'oreille notre musique d'attente qui est déprimante comme tout et de temps en temps la voix de la standardiste nullissime que nous avons depuis 4 mois qui crie "quittez pas" avant de remettre la musique en boucle). La journée commençait, décidemment, fort mal ... Moi qui étais de charmante humeur parce qu'arrivée au bureau sous quelques flocons de neige... Ca a été du même accabit toute la matinée. Un monsieur me fait un scandale parce "vous m'avez envoyé les pages 1, 3, 5 et 7 du rapport d'expert Truc que j'attends depuis une semaine pour un rendez-vous chez mon avocat cet après-midi. C'est du travail complétement bâclé que vous faites là". Je prends l'original en main, me rappelle très bien avoir fait les photocopies (très chiant parce que les pages étaient thermocollées et que je ne pouvais les défaire une à une) et j'ai un doute "Monsieur Chose, vous avez bien vu que c'est un document recto-verso ?". Ben vouais, ce c** avait même pas vu que les pages étaient en recto-verso. Il ne sait qu'à peine excusé avant de raccrocher. Semble pas qu'il y ait une pleine lune prochainement pourtant.

Petite consolation, l'hôtel de Londres m'a confirmé la réservation de la chambre pour les dates retenues avec Dalba. Nous avons pris nos places sur Eurostar hier soir dans une boutique SNCF (je ne savais même pas que ça existait et c'est génial car il n'y a pas beaucoup d'attente) près de la place des Ternes. Bonheur ! Une semaine à Londres ! Rien que d'y penser ça me rend heu reu se. Pour fêter ça, nous sommes allées prendre un verre dans un bar très sympa en haut de l'avenue de Wagram et pendant que je sirotais mon Périer rondelle j'ai remarqué un monsieur à l'air aussi bizarre qu'il y a quelques mois et l'ai montré à Dalba en lui racontant l'anecdote suivante (qui moi m'avait beaucoup amusée) : un matin, en haut de l'avenue, ce même monsieur attendait à côté de moi pour traverser et lâcha à une jeune fille qui se remettait du gloss "Ca c'est bien, ça aide pour le métier". Passage au feu rouge, le monsieur file, la jeune fille et moi nous nous regardons et nous éclatons de rire. Y'a qu'à Paris qu'on entend des trucs pareils conclut Dalba.

Ce soir, à ne pas râter sur le câble (assez rare pour que je le mentionne) "Lawrence d'Arabie" avec Peter O'Toole que je vais aller regarder de ce pas.

         
  5 février

Un début de matinée comme tant d'autres. Descente des Champs Elysées à pied sous le soleil. Arrivée sur mon lieu de travail, un capuccino à la main (ça m'arrive de craquer mais j'ai nettement diminué le café), pour découvrir la pile phénoménale qui m'attend sur mon bureau. Mais c'est pas vrai, elle a fait des petits pendant la nuit ou quoi? Enfin, rien que du très banal.

Et puis, à partir de 10h00, je ressens comme un frémissement dans le couloir. Les secrétaires chuchotent, les gestionnaires ferment leur porte. Je ne fais pas vraiment partie de la clique et les ragôts j'ai jamais donné donc j'ai le sentiment de passer à côté de quelque chose. Mais sans plus ... Puis le PDG passe en trombe, ravi, interpelle le Directeur et lui lance "j'ai une nouvelle géniale qui va beaucoup vous plaire. Venez dans mon bureau". La matinée passe, j'ai six baux à préparer et pas trop le temps de tendre l'oreille. Juste avant le déjeuner, la principale dont je dépends entre dans mon bureau, ferme la porte et me demande "si je bouge, vous bougez avec moi ?". Regard interloqué de ma part. Prudente je lui demande ce qu'il se passe. Le directeur du service copropriété part et elle se propose pour en reprendre la tête avec moi, si je suis d'accord. Comme c'est un gros poste, on lui octroie une assistante et, évidemment, elle a pensé à S, une ancienne collègue avec laquelle nous avons travaillé il y a quelques années et avec qui nous avons déjeuné il y a 10 jours. D'ailleurs, elle file la rejoindre pour la rencontrer près de son lieu de travail et va lui proposer le poste. Moi, je dis banco! D'ailleurs, j'en profite pour lui avouer que je pensais partir d'ici l'été prochain et comptais lui en parler prochainement. Cela ne la surprend pas car nous avions déjà évoqué notre ennui et notre ras-le-bol du train-train lors d'une conversation à coeur ouvert en décembre.

Le challenge, c'est de sauver ce qui peut l'être car une partie du patrimoine semble avoir été totalement négligée depuis quelque temps. Le mécontentement est donc grand, des dossiers n'ont quasiment pas bougé depuis des mois...Nous n'avons pas exactement "l'état des lieux" mais nous sommes prévenues, il va falloir en mettre un coup pour remonter la pente. Je connais ce genre de situation pour l'avoir déjà vécue dans un précédent cabinet et c'est le genre de pari qui nous plait à toutes les deux.

Tous nos collègues pensent savoir qui va reprendre le poste, à savoir le bras droit du directeur (qui est un de ses copains). Il y a d'ailleurs, à cette idée, des soubresauts dans le service et une assistante a donné sa démission (elle pensait quand même pas avoir le poste ?). Qu'est ce que ça va être quand notre prise de poste sera officielle ! Il faut dire qu'il existe une stupide guéguerre entre le service gérance et le service copro. La pilule va être difficile à faire passer. Mais ça, je m'en fiche totalement. Ce que je vois, c'est qu'une bouffée d'air frais arrive, que je vais refaire de la copro (que je préfère à la gérance locative), qu'il va y avoir des nouveaux dossiers, des nouvelles têtes, la confiance des clients à regagner. Ca me plait !

Reste plus qu'à espérer qu'elle a pu convaincre S. de nous rejoindre. Nous avons travaillé ensemble pendant 4 ans, nous appréciant, et nous ne nous sommes jamais perdues de vue. 10 ans après, l'équipe de choc serait recomposée. Cross the fingers !

 
         
  7 février

Une étrange dualité en moi depuis un certain temps déjà. Le sentiment de vivre détachée de tout, d'avoir conscience que je ne suis rien, un battement de cil, un souffle, un tantième de seconde, que je suis détachée des choses matérielles qui m'entourent, que je peux imaginer sans problème leur disparition, que l'essentiel n'est pas là. Et dans le même temps, avoir la conscience de l'inverse, que je suis un tout, qu'en moi habitent une multitude d'émotions, de sentiments, qui donnent de la valeur, du goût, un sens à ce que je vis. Etre habitée par cette richesse de pensées, de réflexions, d'aptitudes, d'attachements et de plaisirs. Voilà une dualité si difficile à exprimer qui n'est pas un combat mais plutot une alternance ou une complémentarité.

 
         
  8 février

Paris s'éveille sous un ciel bas et gris. En ouvrant les volets, la rue m'apparaît emmitouflée dans une brume givrée, quelques pas résonnent, les vitres embuées du café au coin de la rue laissent filtrer, sur le trottoir, une frêle lumière dorée.

J'aimerais pouvoir me recoucher, me cacher au chaud sous la couette, ressombrer pour quelques heures. Je me suis couchée fort tard. Ca a commencé par un manque total de sommeil malgré la fatigue ressentie en répétition. Du coup, je suis allée lire quelques journaux sur la CEV puis jeter un oeil sur le forum underground et ce que j'y ai lu ne m'a pas plu du tout. Décidemment, je crois que les forums ça n'est vraiment pas pour moi. Mais comment peut-on en arriver à vouloir sortir l'un des membres de la CEV de son anonymat ? Il me semblait (j'avais en tout cas ce vague espoir) que le respect de l'anonymat de chacun d'entre nous était une chose "sacrosainte" à laquelle personne ne toucherait, et encore moins les personnes qui sont "autorité" (je n'aime pas ce mot mais c'est le seul qui me vient) sur la CEV (qui a parlé de la nétiquette ?). Et qu'on ne vienne pas me dire que Vorbis est intervenu à titre personnel et hors du site de la CEV... Ca ne me rassure en rien sur l'état d'esprit de certaines personnes.

 
         
  9 février

Réveillée à nouveau tôt ce matin. Le mug de café à portée de main, séance de lecture bien calée par les oreillers. Dans Zurban, je reste perplexe devant :

- la pub du livre "Parlez-vous le Jean Claude ?" de Dominique Duforest."Le recueil indispensable des pensées visionnaires de Jean-Claude" lit-on. Plus bas, une de ces pensées (?) est citée : "un biscuit, ça n'a pas de spirit, c'est juste un biscuit. Mais avant c'était du lait, des oeufs. Et dans les oeufs, il y a la vie potentielle". Ca se passe de commentaires.....

- un encart des Galeries Farfouillettes annonçant une soirée des célibataires le jeudi 13 février dans l'un de leurs magasins. A la disposition des 4 millions de célibataires en Ile de France (dixit) : deux coins speed-datings, un mur des rencontres, une consultation de voyantes, des agences matrimoniales et un tas d'animation plus merveilleuses les unes que les autres. Je me vois bien me ballader dans les rayons, un pendentif (gracieusement offert par la maison) représentant la moitié d'un coeur à la main à la recherche de l'autre moitié qui aura été remise à un(e) autre client(e). Et puis, cerise sur le gâteau, "les secrets de séduction d'un animateur télé" (alors là, je suis toute chose, surtout si c'est Sevran, arf!!!). Ca me donne la nausée.

Et puis excellente interview de Susan Sarandon dans Libé. Cette actrice est le porte-parole des pacifistes de Not in Our Name (contre la guerre en Irak) et dénonce le rôle des médias américains "quasi tous rangés derrière le patriotisme d'Etat". Pour avoir discuté avec quelques américains, je sais qu'exprimer un doute ou un refus déclenche aussitôt ce type de réponse : "si vous ne soutenez pas les boys à 100 % c'est que vous êtes malades, dangereux, terroristes ou communistes". Dans les maisons, les postes TV sont allumés en permanence afin de déverser une bouillie prédigérée et, pendant ce temps, Bush livre la Maison Blanche aux hommes d'affaires. Et ainsi que l'a dit Felicity, on oublie les scandales financiers, on oublie que le fichu système est pourri jusqu'au trognon.

Hier soir, sur CNN, le choc des reportages : l'un sur l'Hadj, le pélerinage des musulmans à la Mecque qui suit celui sur la préparation de la guerre contre l'Irak. Pour prouver quoi ? Etrange mélange des genres ..

Il me semble qu'il y a une manif contre la guerre en Irak le 15 à Paris. Faut que je me renseigne.

Depuis quand n'avez vous pas fait quelque chose pour la première fois ? (slogan d'une pub vue sur BBC News pour une compagnie aérienne). Excellente question ! Ca m'arrive encore souvent les "premières fois". Tant mieux ! Les premières fois ont une intensité particulière dans les souvenirs parce que, dans l'instant, elles sont vécues avec ce petit quelque chose de spécial qui rend la vie si intéressante.

Concernant la CEV, est-ce que Damélie en aurait pris les rênes pour avoir une ligne en plus sur son CV ? La CEV est-elle une communauté d'autistes ?

Bon, faut que je file. 9h00 et A. va bientôt passer afin de m'entraîner vers les rues pentues de Montmartre pour une marche rapide d'une heure.

12 février

Le coeur et l'esprit en paix, j'ai pu renouer sans difficulté le contact avec Lamto hier soir. Une bonne chose, donc, que nous puissions revenir à cette amitié qui s'est tissée au fil des mois et à laquelle je ne voulais pas tourner le dos. En ce qui concerne le "moi intime", que j'ai exposé avec un peu de difficultés, il y a eu une prise de conscience réelle. Si j'en ressens le besoin, je peux désormais le partager plus facilement et non plus le cacher derrière ce mur si épais que je voyais comme une protection mais qui, tout compte fait, ressemblait bien à une prison. Derrière des murs, rien ne peut vivre ni s'épanouir.

Après notre discussion, je me suis replongée dans le carton de photos que je traine tant à classer. J'ai retrouvé une photo de moi, à 4 ou 5 ans, un hiver dans le Valais suisse. Je sors de cours de ski. A côté de moi, mon père également en skis portant mon petit frère sur ses épaules. Je regardais cette petite fille que j'ai été. Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de mon enfance mais je me souviens du plaisir que j'ai ressenti lors de ma première descente de piste. Pas de peur, pas de crainte, juste la joie et la fierté d'y arriver. Cette enfant qui mordait dans la vie, qui l'embrassait à plein bras, où est-elle donc passée ? Je ne la crois pas bien loin et il faut que je sache la retrouver, l'écouter plus souvent. Cette petite fille est la réponse. Elle continue à murmurer que tout est possible, qu'il faut que je continue à espérer plus que je ne pourrai accomplir.

Cette nuit, à nouveau ce rêve étrange. Je suis allongée mais je ne crois pas être sur un lit. Il me semble que je flotte comme en apesanteur. Je suis nue, les yeux fermés, concentrée sur un très léger souffle qui me parcourt. Ce souffle génère une sorte de crépitement sur chaque centimètre de ma peau, je la sens qui se hérisse. Tout mon corps se tend vers ce plaisir et j'ai beau rêvé cela me semble totalement réel. Bizarre ! Moi qui ait une libido à zéro en ce moment...

En parlant de zéro, c'est la température qui règne dans les couloirs du bureau à notre approche. La nouvelle est officielle et semble dure à digérer pour certains. Ca passera ! Avant que ça ne les reprenne à propos d'autre chose. Je déjeune avec ma chef vendredi, j'en saurais un peu plus sur les modalités de fonctionnement de la nouvelle organisation qu'elle veut mettre en place, quelle autonomie je vais pouvoir prendre et si j'aurai l'augmentation que je demande. A suivre, donc....

 
         
  13 février

Visite chez l'ophtalmo ce matin pour ce fichu champ visuel que je dois faire depuis deux ans. De ce côté là, pas d'inquiétude, tout va bien. Tant mieux ! Prise de la tension car je viens de finir la première phase du traitement d'Azopt. Là aussi, résultat satisfaisant, ma tension a bien baissé... mais on repart pour 6 mois. Pfff... J'explique au Dr P. combien j'ai du mal à viser l'oeil et à n'y mettre qu'une seule goutte à chaque fois. Ben oui, souvent, la goutte atterrit sur les cils ou la joue. Mais bon, je devins un peu plus adroite même si je n'apprécie pas le côté opaque blanc du collyre. Je lui demande s'il n'en existe pas d'autre. Si, me répond-il, mais l'un rougit les yeux et l'autre change leur couleur. Moi, ébahie : "Pardon ?". Et bien oui, un collyre peut changer de façon permanente la couleur des yeux. Les yeux bleus ont peu de pigmentation, les yeux marrons en ont beaucoup. Le collyre en question renforce la pigmentation et les yeux bleus deviennent marrons. Mon ophtalmo sourit, se doutant de ma réponse devant ce choix délicat. Ben oui, mes yeux bleus c'est ma faiblesse! J'y tiens... Ils deviennent bleu-verts quand je suis au bord de la mer, gris-bleus pendant l'hiver à Paris, ils sont pailletés de marine quand je suis amoureuse ..... Pas d'hésitation, je continue avec le collyre actuel.

En sortant, j'avais encore deux bonnes heures de liberté devant moi. A deux pas, il y avait cette expo sur les Carnets de Voyage au Bon Marché que je pensais aller voir samedi. Autant en profiter, me suis-je dit. Dommage, ceux qui m'intéressaient le plus étaient sous vitrines. Quelle curieuse je fais. J'aurais tant voulu les consulter page par page. Une carte postale, une étiquette, des dessins, des mots, des fenêtres ouvertes sur le monde... Il n'y avait qu'à se laisser porter ... Cependant, j'en suis ressortie avec un goût de "trop peu".

Au bureau, pas grand chose de nouveau. Je sens que ça murmure derrière mon dos mais peu me chaut. Il y a un retard important à rattraper au niveau du classement et je m'y mets à fond tous les jours pendant 1 heure et demie. Ca me gave mais il n'y a pas le choix. On souhaite laisser les dossiers qu'on ne descend pas avec nous nickels. Donc, ce soir, boulot jusqu'à 20h00 puis bus pour rejoindre Dalba chez elle et descendre une bouteille de Mumm en échangeant les dernières nouvelles. Deux messages sur le portable entre temps. Ma tante qui espère que je ne pars pas à Londres tout de suite et s'inquiète des risques d'attentat et Sang-Po qui me confirme qu'il ne part pas à Dharamsala parce qu'il a du boulot pour la deuxième quinzaine de février (va quand même pas partir là-bas sans moi...). Ensuite, diner sympa comme tout dans un délicieux restau (La Maison de Campagne dans le 17ème). Déco style "campagne à Paris" qui plait bien à Dalba mais surtout cuisine très honnête (magret de canard à l'ananas rôti et purée de patates douces puis sabayon de fruits à la fleur d'oranger et glace au fromage blanc, le tout arrosé d'un bon petit bordeaux que j'en ai un petit peu mal au coeur et que je vais aller me faire une petite tisane avant le dodo).

14 février

Dur de commencer la journée par une visite au commissariat de mon quartier. Agressée par un "ami" au petit matin, une fille vient porter plainte, d'une voix tremblotante, pendant qu'un type avec un fort accent s'énerve à expliquer un incident dans un bar de Pigalle où il s'est fait visiblement "avoir par femme..moi". Quant à moi, rétrécie par le froid comme un citron givré, la tête encore un peu lourde de mes excès d'hier soir, munie du pouvoir donné par ma boite, je viens remplir la noble mission de porter plainte contre X pour dégradation et vandalisme dans l'un de nos immeubles. Le dépôt de plainte est réclamé par la compagnie d'assurance qui nous remboursera la remise en état de la porte qui a été endommagée. Je rêve d'un café bien chaud pendant que le policier s'applique à taper ma déclaration ce qui, l'air de rien, prendra 1/2 heure. Le tempo de ces deux doigts sur le clavier me berce tranquillement, malheureusement, le radiateur contre lequel j'ai voulu me blottir est froid. La peinture grise des murs pèle par endroits, un vieux coffre-fort des années 50 retient toute mon attention, je n'aimerais pas travailler ici. Cet endroit suinte la misère humaine..

Un peu plus tard, au bureau, des bonjours et des sourires me croisent dans les couloirs. Je me marre intérieurement mais continue à ne rien montrer. Aucun changement dans mon attitude. A l'heure du déjeuner, ma chef passe me prendre et nous descendons chez le traiteur casher de l'autre côté de la rue nous régaler d'un bagel au pastrami. Après un rapide résumé de la situation (quelques détails sur les remous qui ont secoué la direction puis "révélations" qui me donnent la nausée mais, à ce sujet, je vais me censurer volontairement compte tenu de ce que j'ai entendu et qui se recoupe avec d'autres échos), nous abordons le fonctionnement du service. Elle me tend la perche que je saisis pour me voir accorder de la seconder sur les immeubles en copropriété tout en sachant que si la charge de travail est trop importante en gérance, je donnerai un coup de main à ma collègue. Je lui réexplique que je souhaite être un peu plus autonome, ce qu'elle comprend mais, là, je sais qu'il subsiste un doute de ma part car, à moins qu'elle ne soit surchargée de travail (ce sur quoi je compte), je crains que ce ne soit qu'un voeux pieux de sa part. Bon, le meilleur pour la fin .... la cerise sur le gâteau .... je suis augmentée de près de10 % et j'en suis baba. Je n'en attendais pas autant compte tenu de ce qui s'est passé dans la boite en fin d'année dernière. Je sais que l'on attend de nous de jouer les locomotives et d'entraîner tout le reste du service copro dans notre sillage. Je suis vraiment contente de voir que je n'ai pas dépensé toute mon énergie en vain depuis trois ans. Yapuka !

 
         
  15 janvier

(ah.. bien mieux avec photo même si la qualité est pas géniale cf. également celle du 1er février : )

Le monde crie "non à la guerre" à la face de Bush.

"Halte à la Busherie !" dit la banderole que nous dépassons à l'Institut du Monde Arabe.

"Débushons le Monde" en dit une autre sur la place de la Bastille.

J'apprends plus tard que des new-yorkais osent soutenir la position française malgré les diatribes de la presse américaine.....

En parlant de médias, lorsque la caméra et le micro ont pointé leur nez devant moi ma tirade est sortie aussi net. Sang-Po m'a vue aux actu, dans la soirée, et m'assure que ça passe pas trop mal. Moi, je suis sûre que je ressemblais à Oui-Oui, hochant la tête à tour de bras pour appuyer mes propos (la honte.... mais bon c'est anecdotique ).

17 février

Joya par ci, Joya par là, qu'elle était jolie, bien cadrée, qu'elle avait bien parlé, qu'on l'avait bien vue et bien longtemps (merdeeeeeeee!!!!)

"ben, je vous ai pas entendu parce qu'on était dans la cuisine avec ma belle-mère et le son de la télé était baissé mais j'y ai dit "regarde, c'est Joya, une copine du bureau" me dit collègue A (ah bon, on est copines maintenant) "Et pi mon mari y m'a gueulé du salon y'a Joya qui passe à la téléééééééé" "Ben voui, il était au salon avec mon beau-père" (ben j'en ai de la chance, moi, maintenant toute la famille me connaît)

Joya : "Ben, oui, c'était bien moi".

Collègue B : "voui, je vous ai vue moi aussi, c'est super" (ah ? on va peut être pouvoir parler de ce que je faisais là-bas et elles ont peut être un point de vue à partager ?) "c'est vachement bien ce que vous avez dit et pi on vous a bien vue, longtemps et tout, bien cadrée en plus" (elle me mime le cadrage sur son visage, ben si ...) vous passez vachement bien à la télé.

Je tente de leur faire revivre l'ambiance du cortège, la mamie bcbg qui caresse le chien d'un punk, les bab pieds nus qui chantent, le slogan que nous reprenons en coeur "ni Bush ni Sadam" pendant un bon moment, l'inconscient qui, monté sur un abribus, tient le portrait de Sadam en expliquant qu'il est irakien et veut la paix lui aussi mais qui ne récoltera que des sifflets et colibets, les américains très motivés qui nous doublent en criant "France is right"... Ma chef arrive qui m'a vue également (je pensais pas qu'autant de gens regardaient cette chaine) et était de la manif (ah, enfin ...). On partage nos sentiments, on tente d'incorporer le petit groupe qui est resté à côté, dans le couloir, pour découvrir que toutes ces dames sont déjà passées à l'émission qui a leur faveur en ce moment qui, je crois, s'appelle "j'ai décidé de maigrir".

Je repars vers mon bureau quand Collègue A me tire par la manche et finit de m'achever par un : "et pis, y'avait fifille à côté de moi" (son chien qui vient de temps en temps au bureau) " et j'y ai dit : "regarde y'a ta copine Joya à la télé" mais elle a pas compris" (sans blague...)

A midi, en traînant sur le ouaib, j'apprends que le Dalaï Lama vient à Paris en octobre dispenser son enseignement au POPB. Je suis, au moins, intéressée par la conférence publique qui aura lieu le 12 et peut être par l'introduction au boudhisme. Peut être Sang-Po serait-il partant ? Un peu plus tard, de fil en aiguille, mes pensées se sont portées vers K. Je ne peux pas nier qu'il m'attire et, ces derniers temps, j'ai remarqué que plus nos regards se croisent, plus ils ont de mal à se quitter. Ses lèvres se sont attardées sur ma joue et sa main a serré mon épaule à travers l'épaisseur de mon manteau lorsque nous nous sommes quittés la dernière fois... l'attirance semble réciproque mais je sens que ça va être à moi d'aller vers lui.... Pas simple compte tenu de la différence culturelle. Mais peut être ai-je tort de même y penser à cette différence. Dans le fonds, elle n'a pas plus de poids qu'un grain de sable d'un mandala.

 
         
  18 février

Petite discussion rigolote avec le marchand de biens qui vend les appartements de la rue C. Il n'est pas surpris quand je lui raconte la découverte de vieilles armes, dans une cave, par un locataire à qui nous avons conseillé d'aller dare dare au commissariat. J'apprends alors que dans cet immeuble se trouve :

- un homme qui habite dans une chambre de service et refuse de se servir des w.c. communs. Il a supprimé un point d'eau dans un recoin, sectionné la canalisation et y a enfoncé un entonnoir dans lequel il pisse. Pour la "grosse commission", c'est dans des boites de conserve...

- un peu plus bas, vit une ex-bonne soeur un peu perturbée qui montre ses seins tous rabougris en expliquant que sa communauté ne voulait plus d'elle parce qu'elle priait trop et que c'est les autres soeurs qui ont fait "ça" à sa poitrine....

- une occupante, lorsqu'elle sort du milieu hospitalier où elle séjourne régulièrement, passe son temps à demander qu'on la "baise" en criant à sa fenêtre,

- un autre, qui en a marre qu'on lui pique du vin dans sa cave, prétend avoir empoisonné quelques unes de ses bouteilles pour faire la peau aux voleurs...

"Et les gens achètent ?" ai-je demandé.

19 février

Mon frigo baille d'ennui, les moutons courent sous le divan tandis que magazines, trainers et tongs Pucca achetées dernièrement, gambadent joyeusement de concert entre la table basse et la cheminée. Triste constat en rentrant chez moi ce soir. Je vais quand même faire un petit effort et mettre un peu d'ordre, juste après avoir décongelé une soupe de petits pois Pic**d (que je tiens à remercier ici officiellement car sans mon magasin de surgelés où je vais régulièrement faire une réserve de moultes légumes et soupettes, je grignoterais n'importe quoi ces derniers jours). Je n'aligne même plus mes fameuses petites listes sur mon agenda en ce moment, c'est dire ...

En parlant d'assumer (mon bazar), j'ai appelé Q. cet après-midi. Une décision soudaine motivée par une brusque envie de lui, de ses lèvres sur mon cou, de ses mains dans mes cheveux, de ses baisers, envie de refaire l'amour avec lui. Une raison totalement suffisante à mes yeux bien que ma conscience me souffle que je suis peut être entrain de faire une bêtise. Mais pas si sûre car je suis bien consciente du chemin parcouru depuis novembre dernier et que c'est d'un amant dont j'ai envie là, maintenant. Il n'a pas semblé surpris, m'avouant qu'il pensait régulièrement à moi, que je lui manquais et qu'il me désirait encore plus du fait de l'absence. Il murmure car sa secrétaire n'est pas loin. Le petit serpent du désir s'éveille au creux de mon ventre. L'attendre, c'est déjà le début du plaisir. Nous nous verrons lundi soir mais peut être aussi demain soir si sa réunion se termine assez tôt. Je lui fais comprendre que je ne suis plus autant disponible et qu'il ne peut plus arriver à l'improviste. Je l'entends sourire. Il réalise que mon "ton" est un peu différent, aimerait savoir s'il y a quelqu'un d'autre dans ma vie mais je ne réponds rien là-dessus. Je veux juste retrouver l'amant qui tient ma peau déployée dans la paume de sa main et goûter à nouveau la chaleur poisseuse de nos corps.

 
         
  20 février

Coup d'émotion en rentrant ce soir. Quelques unes de ces énormes larmes qui mouillent tout au passage et semblent venir de si loin. Pas un coup de fatigue du aux 12 heures que je viens de passer au bureau. Non. Ni un moment de déprime. Juste un vrai chagrin. Un de ceux qui me prennent quand même bien rarement mais sont la résonnance d'une phrase entendue dans la journée et à laquelle j'ai su faire face à l'instant où elle a été prononcée. Ce n'est qu'après, seule, sans témoin que la réalité me ratrappe.

Antonio, un locataire milanais qui travaille pour une maison de couture parisienne est passé, au bureau, prendre son chèque de remboursement de dépôt de garantie car il repart en Italie demain. Un des rares avec lequel une certaine "complicité" s'est installée au fil du temps. Nous taillons toujours une petite bavette, il me raconte son plaisir, après une année d'allers-retours entre Paris, New-York et Tokyo, de rentrer chez lui à Milan où l'attend sa fiancée. Il me parle un peu d'elle, ils se marient cet été, et conclut par une réflexion du genre "si tu veux voir ta femme dans 30 ans, regarde sa mère".. et sa future belle-mère, justement, elle est très jolie. Il est heureux, volubile, ses mains s'agitent...

"Sa mère, sa mère, sa mère ...", ce mot résonne et je me cramponne. Le vide, le froid.

Plus tard, à la maison, j'allume la petite bougie devant le portrait d'Amala. Je la regarde, le visage encore jeune, si peu ridé, les cheveux auburn sans un seul fil blanc.

Comment serai-je dans 20 ans ?

J'entends et j'oublie, je vois et je me souviens, je fais et je comprends - Confucius.

 
         
  22 février

12h48 : C'est pénible... Plus je réduis la taille plus je perds en définition... Certainement un truc à faire, mais quoi ? Tant pis... Fait trop beau, je resors !

 
         
  23 février

Déjeuner chez papa pour l'anniversaire de Kaba. L'appartement familial change au fil du temps et c'est plutôt bien. Plus de repères, plus de traces du passé ou si peu. Nouveaux meubles de belle-maman qui entraîne papa dans la recherche de LA commode ou DU secrétaire parfait. Les pièces sont pleines à craquer, ils n'ont plus besoin d'utile depuis longtemps, place au futile et à l'encombrement maximal. Sang-Po et moi nous demandons quels traits de caractère nous viennent de notre famille paternelle. Il semble que nous ayons échappé au plus pernicieux (la fièvre du stockage appelée "on garde au cas où" "on garde, on sait jamais").

Notre cousine E., marraine de Kaba, est arrivée vers 15h00 pour le dessert. Que de manières, d'embrassades vides de sens. Il me semble que personne n'est dupe et c'est ce qui me fait enrager. Je la vois gênée, se tremoussant sur ses hauts talons, tortillant ses mains, je crains d'entendre à nouveau les mêmes jérémiades que devant la tombe d'Amala : "promets-moi, Joya, que nous ne nous perdrons pas de vue. Je suis là pour vous trois, ne l'oublie pas. On n'est pas une grande famille, alors on se sert les coudes. D'accord ?" J'ai pas oublié, surtout pas oublié qu'en presque deux ans, elle n'a jamais repris contact avec Kaba qui avait tant besoin de voir la cellule familiale présente autour de lui. Kazam !!! Ca me fout en rogne !!! Enfin, ça me contrarie un peu. Je ne suis pas aussi diplomate que papa, ou même Sang-Po.

Enfin.... le champagne m'a drapée d'un sari de gaieté et puis, plus tard, le sourire de Kaba a fait trois fois le tour de sa tête à l'arrivée du gâteau poire/marrons glacés et des cadeaux.

Dans la brûme des bulles, une anecdote m'est revenue en mémoire devant une photo de la terre prise d'un satellite (un poster vu aux petits coins). A un âge encore tendre, alors que mon père travaillait dans le domaine spatial et que nous commencions tout juste à avoir de ces photos qui me faisaient tant rêver et dont il ramenait des exemplaires à la maison, je lui ai fait part de ma grande théorie sur la planète terre qui flottait entourée d'une large enceinte, d'un mur qui la protégeait. J'étais très fière de mes explications, imaginant la terre tournoyant dans un cocon douillet. Mon père m'a alors demandé "mais qu'est ce qu'il y a derrière ton mur ?". Cette question m'a totalement ébranlée ! Il lui en a fallu du temps pour me faire comprendre l'univers, son fonctionnement et la notion d'infini. A partir de là, j'ai pris conscience qu'il pouvait y avoir d'autres réalités que la mienne et bien plus à apprendre et comprendre que ce que j'avais pu percevoir au départ. J'étais bien arrivée à l'âge de raison.

 
         
  26 février

24 heures par jour, comme tout le monde, pour vivre et ne pas faire qu'exister. Ca devient difficile à négocier en ce moment car ma vie pourrait se résumer à "boulot, boulot et boulot". Alors, je combats pied à pied pour ne pas rester là à me mirer dans le miroir de cette promotion. Vigilante que je suis : ) Chaque journée ressemble à un puzzle. Les pièces "boulot" s'embriquent sans difficulté. Actuellement, je tiens le poste de trois personnes. Le mien "d'avant" (pas encore repris par le successeur que je sais même pas qui c'est, c'est dire ...), celui de la personne à la copro que je remplace et qui devait être là jusqu'à vendredi (et qui a été débarquée du navire ce midi, manu militari, pour disons "manque d'éthique") et celui qu'occupera S. qui arrive le 8 mars. Je bats un cil, il est 9h00, je bats l'autre cil, il est 11h50, je réalise à peine que c'est l'heure de déjeuner, je suis multi-tâches en permanence, menant plusieurs actions de front, tout en déménageant un peu au fur et à mesure ce dont j'ai besoin dans mon nouveau bureau, et en restant gracieuse, souriante (because l'adrénaline ça me réussit bien au teint et pis y'a les autres dont je sens le regard dans mon dos ...arfffff).

Les autres pièces du puzzle, c'est tout le reste qui doit s'imbriquer. Continuer à partager ciné, expo, discussions avec mes amis, rester sur Yahoo avec ceux du bout du monde (ou qui n'habitent tout simplement pas Paris) jusqu'à minuit/une heure du mat. si ça me chante, lire, papoter au téléphone avec Ponya jusqu'à pas d'heure etc.... J'avance, aussi, sur mon projet de nouvelle présentation de ce journal. Je fourmille d'idées que je transcris sur papier mais j'ignore si elles seront même techniquement réalisables. Bref ! Je veux tout ! Peut être juste en un peu plus condensé en raison de cette nouvelle répartition du temps. Et puis, il y a, à nouveau, une petite place à trouver pour Q (bon, faut que je lui trouve un ptinom pour ce journal... voyons ... disons Ampo).

Nous nous sommes revus lundi soir. Hum.... Retrouver l'incandescent désir, dont la peau tendre de mon cou porte encore l'empreinte ce soir, la danse des caresses et les baisers à n'en plus finir. Nos désirs se réflètent l'un dans l'autre, nos regards rieurs, troublés, rêveurs ne se quittent qu'à peine, lorsque nous faisons l'amour, sauf pour apprécier un plaisir qui devient plus égoïste au tournant d'une caresse. Plus tard, discussion et tendresse au creux du lit. Je m'étonne qu'il s'attarde autant, il me répond qu'il a envie de profiter de cet instant, qu'il se sent si bien. Et puis, vient cet incroyable aveu. Il a beaucoup réfléchi depuis l'incident de l'été dernier et reconnait ne plus supporter sa vie de couple. Il a consulté un avocat et envisagé tous les cas de figures concernant le devenir de l'appart, la garde de leur fils etc.. et il en a parlé à sa mère (là, je ne cache pas mon étonnement).... Effectivement, je sens à son ton que le cheminement a, certes, été long mais que la prise de conscience est bien là. Je l'écoute avec un détachement qui me surprend. Je ne reformulerai pas les mots dits au mois d'août. Dans le même temps, un doute est là... et si il avait eu besoin de tout ce temps... A suivre, dans les deux/trois mois qui viennent....