Mai 2004

 
         
         
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You owe me nothing for giving the love that I give

You owe me nothing for caring the way that I have

I give you thanks for receiving it's my privilege

And you owe me nothing in return

 
         
         
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En défaisant les sacs, j'ai retrouvé du sable dans les pliures des cartes, trois/quatre coquillages particulièrement jolis, des pommes de pin, pâles témoins des souvenirs qui foisonnent encore au seuil de mes paupières et qui donnent pêle-mêle :

Des cristaux de sable filant entre les doigts, des haïkus tracés en hommage au vent sur cette plage face à l'Atlantique. Juste nous deux et le ciel immense, l'océan émeraude ourlé de nacre. Des ailes de mouettes et des baisers salés.

La promenade d'un après-midi de pluie dans la pinède. Le craquement des troncs qui se balancent au rythme du zef, le sol détrempé offrant ses violettes, les flaques constellées du pollen jaune des arbres, les gouttes de pluie qui perlent des aiguilles vertes, les odeurs sylvestres vivifiantes.

L'escalade de la Dune du Pyla telle une victoire sur ma peur. Tout comme le phare du Cap Ferret.

Le coup de coeur pour Cassy, L'Herbe et Le Canon.

La chambre sous les toits. Les nuits bercées par la pluie. Les nuits qui laissent des empreintes de doigts sur les hanches et une "crinière de tibétaine". L'intimité d'une semaine presque mirroir aux alouettes qui laisse un goût de "il serait si facile ...".

Une pause. Le grand fourre-tout en cuir à peine ouvert et qui comprenait, notamment, "Le livre du voyage" de Werber, "La nuit de l'oracle" d'Auster et les carnets intouchés. Une coupure. Pas de téléphone (à part les deux appels passés vendredi), pas d'internet.

Une semaine dans le Bassin d'Arcachon.

Juste du bonheur.

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Comment arriver à prendre cette décision le plus lucidement possible ? Vers quel pays me tourner qui accepte mon statut de femme célibataire ? Corée ? Népal ? Pourquoi ces craintes alors que je me sens si prête ? Est-ce uniquement la peur d'aborder cette aventure seule ? Il me faudrait, je crois, prendre des contacts dans le milieu associatif avant d'ouvrir mon dossier ici en France.

A faire très vite.

 
     
         
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Et j'ai pensé, en raccrochant, telle une gamine boudeuse "Merde ! Pourquoi pas un week-end ?".

Greumeuleu ?

Non, tristesse. Abandon de l'idée de surprise pour le mois de juin. Comment faire autrement ?

Pourquoi prendre ce risque ?

Tant pis, aurai-je envie de dire en haussant les épaules mais je n'y arrive pas.

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Je me trouve, pour la première fois, dans cette situation plutôt étrange où les compartiments ne sont plus trop étanches et pas de mon fait. Mon sixième sens, assez fiable et en "alerte" bien malgré moi depuis plusieurs semaines, me fait percevoir très rapidement des ondes qui peuvent me prendre de court. Comme hier soir. Et j'ai, aussitôt, regretté d'avoir appelé. Je me suis sentie mal à l'aise.

Je suis bien consciente qu'il ne s'agit que d'une simple perception de ma part qui n'est confirmée en rien par ChagsBral et pour cause. Mais le "petit truc" est là, bien présent, qui demande ce supplément d'effort de mise à distance.

Ce que j'ignore c'est s'il s'agit juste d'une période d'adaptation un peu "difficile", de la présence d'un "pas à raconter" que je perçois malgré tout, ou moi qui porte encore des éclats du début chaotique de cette autre histoire qu'il vit.

Curieuse dualité. Mes sentiments pour lui évoluent doucement et sont sereins. Pour notre histoire, le tempo semble autre.

Tout cela qui vit en parallèle, sans que je m'en soucie vraiment, marque cependant son existence de temps en temps comme une présence fantomatique aperçue de loin et qui laisse un léger froid sur son passage.

 
         
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Devant la Gare St Lazare, sur ce trottoir grouillant de salariés affairés, je me suis arrêtée pour mieux regarder le poisson noir dans son étroit bocal qui figurait sur la pochette SNCF. Et j'ai souri, me moquant de moi-même, alors que toute tension disparaissait.

Quelle nouille !

 
         
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tgv 6h58

Un nouveau jour

et le désir d'aller voir

dans ce jour

ce qu'il a de nouveau

C. Bobin

 
         
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Il y a quelque chose de profondément bénéfique à partir à la rencontre d'une ville inconnue, qui ne porte encore aucune trace de soi, qui ne ravive aucun souvenir et qui s'offre comme un jeu de piste prometteur.

Quand s'y ajoute, en bout de quai, ce sourire attendu, un soleil éclatant, des rues à l'architecture enchanteresse, des chaussées de vieux pavés folâtrant avec des herbes folles... Quand au plaisir des yeux s'ajoute celui des papilles ... Quand les pages se tournent et les yeux deviennent rêveurs ...

Alors on rentre chez soi rechargée, avec ce sentiment de trop peu qui pousserait à reprendre un autre billet rapidement. On glisse deux carrés de tissu dans un Moleskine. On garde précieusement le plus important, au chaud de soi.

 
         
   
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Voilà le sommeil, taquin, qui me fuit à nouveau et dans le peu de la nuit que je dors, les rêves forts en couleurs et en bruits dont je garde le souvenir. Récurrence de la neige qui tombe sur une plage, de la fuite et des objets précieux à préserver (principalement des assiettes).

Cette nuit, l'objet précieux était une photo d'Ampo. Je marchais seule au bord de l'eau le long de cette plage de sable noir. Je me suis réveillée alors que l'eau montait et que je m'écartais pour ne pas avoir les pieds mouillés. L'océan était au bord de mes paupières, coulait le long de ma joue, l'oreiller était humide.

Me voici à pleurer dans mon sommeil un amour auquel je viens de mettre un terme. Comme si, parce que c'est moi qui l'ait décidé, je ne me permettais qu'une toute petite démonstration de ce que je ressens le jour. Comme si la nuit, alors que je ne suis plus au contrôle, la petite boule que je balade dans ma gorge depuis jeudi soir se trouvait enfin libre de se déployer et de libérer un peu de pression.

Et cette voix traîtresse qui ne cesse de me rappeler ce que je perds avec Ampo, ce qu'il m'a avoué avant que la porte ne se referme. Cette voix, qui je l'espère, perdra bientôt de son brillant.

***

Ecrits cette nuit

Souffle léger/La plume pourtant espère/Chaleur de l'oreiller

Bille d'opale/Ecrin pour branches noires/Rictus de la vieille

Piécette contre dent/La coquine est passée/L'enfant rit

Pot d'encre/Révélateur d'angoisses/Même le cafard fuit

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Les roses thé offertes par Dalba jeudi se sont épanouies magnifiquement pendant ma courte absence. Elles donnent un air d'élégance au séjour en contraste avec le bazar qui règne dans l'appartement depuis mon retour de vacances. Alors, avant de finir ce dossier pour le bureau, je vais jouer les tornades blanches. Puis je me mettrai au deuxième paragraphe de mon portrait et me régalerai des fraises achetées hier sur le marché.

L'incident de la maison de campagne est quasi réglé. Normalement, lorsque j'y passerai samedi prochain, je devrais avoir le devis pour la grange. Papa (entre la Tunisie et Saint-Tropez) me donne carte blanche.

Ce rapide aller/retour n'a pas mis un frein au tourbillon de pensées qui m'assaillent depuis quatre jours.

Dans le train, tout à l'heure, mes yeux se sont portés sur la carte glissée dans mon agenda. Les mêmes mots qu'au mois d'avril. La même mise à distance qui génère mon propre silence.

Je ne sais penser qu'aux tous prochains jours. Oh à quel point déterminants .....

Je ne sais plus quoi croire.

Je suis sur des montagnes russes et la nausée pourrait bien survenir au prochain virage.

 
         
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Juste envie de dire que les couleurs de ma vie s'intensifient.

Discussion bienfaisante aux aurores avec Ponya au sujet de mon "projet". En quelque sorte une façon de "l'officialiser", d'avoir un retour de quelqu'un qui me connaît bien. J'ai beaucoup aimé son très spontané "Mais c'est génial !" puis, comme souvent avec Ponya, son entrée dans l'aspect pratique des choses. Son côté "on agit, on y va !" reprend vite le dessus. J'ai une chance infinie d'être bien entourée, je m'en rends doublement compte en ce moment.

 
         
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Avant son dîner d'anniversaire, hier, j'ai proposé à Sang-Po de le retrouver au Mucha pour prendre un verre rien que tous les deux.

Puisqu'il a été le premier au courant de ma réflexion sur l'adoption, il y a quelques semaines, j'avais très envie de lui faire part de la façon étonnante dont cela avance. Il y a eu un grand moment d'émotion. Les larmes lui sont montées aux yeux. J'avoue avoir, moi aussi, bien failli pleurer. J'ai pensé à Amala. Combien j'aurais aimé qu'elle soit là assise avec nous à cet instant. Et puis je me suis souvenue qu'elle m'avait fait le plus beau des legs : sa foi infinie en la vie. Voilà certainement d'où me vient ma sérénité.

Tout au long du dîner, nous avons échangé quelques sourires complices, faut bien l'avouer.

C'est ce dont je veux me souvenir.

 
         
     
         
     
         
     
         
     
         
     
         
   
         
     
         
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