Octobre 2003

 
         
         
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Les mails reçus de Sang-Po me font plus que plaisir.

Voici celui de ce matin : "J'ai quitte Tsering vers 16 h 30, a notre retour au TCV. J'ai eu une permission exceptionnelle, de la part de la Principale, pour le sortir. Il est en super forme et franchement il est beau ! Il ont tous un tres beau visage, souriant et le regard tres vif, mais Tsering attire les regards. On s'est ballade dans Dharamsala. Je lui ai propose de lui offrir quelque chose qui lui tenait a coeur. Sans hesitation nous nous sommes rendus dans une papeterie, qui avait l'air de vendre quelques autres petites choses que des articles de classe, et la, il a choisi : une paire de chaussures de foot a crampons, avec chaussettes et proteges tibias, plus le super ballon de foot!!! (Les photos de l'equipe de France que lui avait apporte Lung tok sont toujours aux murs de sa chambre. ) Il est sacrement filou le gamin. Comme il a senti que j'etais tres attentif a lui, il s'est arrete devant quelques vitrines l'air de rien : I need a watch !?!  la j'ai dit non, la prochaine fois que je viendrais, ou quand "JoYa" viendra et si tu as toujours d'aussi bons resultats en classe. Le reste de la journee il a continue sa liste au pere noel : une tenue de foot de l'equipe de France... Plus tard j'ai dit OK pour un pantalon, mais pas les deux, et un gros sac de Sweet, melange de chips, sachets de nouilles chinoises(???), gateaux secs, un ananas et des oranges locales, qu'il partagera certainement avec ses copains. Ils ont tous un sponsor. Bon j'aurai encore plein a te dire, la digestion des fabuleux Amdo momos commence. Big biz"

Sang-Po a un contact génial avec les enfants et j'imagine l'après-midi qu'il a pu partager avec Tsering. Les mille choses à raconter, les "plein à te dire", comme j'ai hâte de les entendre.

Au boulot, la période des Assemblées Générales reprend, créant un peu plus de confusion. Nous n'en sortons pas, faute d'une organisation au carré. J'ai remis à jour le planning, en tentant d'obtenir des dates convenant à Grandchef qui, malgré mes relances, ne les a pas validées. Du coup, elle est de méchante humeur car deux AG se tiendront pendant les vacances de la Toussaint ("ralala, JoYa, on voit bien que vous n'avez pas d'enfants. Enfin .... je voulais partir et là, maintenant c'est fichu!") Ben, voyons ... Même problème, avec l'ordre du jour de ces AG. Je travaille dans mon coin : relecture des anciens procès-verbaux, des demandes faites durant l'année par les copros, des comptes-rendus de chantiers etc... L'ordre du jour prêt, je le soumets à Grandchef qui a rencontré le Conseil Syndical un peu avant ou a eu des demandes de son côté dont je peux ne pas être au courant. Je prévois des marges importantes afin d'être prête pour le jour J (d'envoi de convoc) et les jours passent. Les rappels s'accumulent. Je tire la sonnette d'alarme. A plusieurs reprises. Nous avons des délais impératifs de convocation quant ce ne sont pas des délais liés à nos mandats de Syndic. J'essaie de coincer Grandchef 3 minutes dans son bureau. Et puis, voilà, le dernier jour, à 16h00, j'ai le feu vert. Et il me reste 1 h pour m'organiser. Je tombe à bras raccourcis sur la standardiste, sur collègue S, pour que les photocopies soient lancées, les convocations imprimées, le tout mis sous plis puis timbré.... Parfois, le postier est déjà là. La standardiste, que je soudoie à coup de violettes cristallisées, lui fait du gringue pour le retenir le temps que tout soit prêt. A 17h03, j'ai les nerfs en pelote qui se dépelotent. Enfin, c'était le cas ce soir. Tiré le rideau à 19h45 après avoir appelé chez lui un copropriétaire (parce qu'il travaille, lui, et ne peut être dérangé dans la journée) qui me sort du tac au tac : "ben, je suis déçu, Mme JoYa car je pensais que vous en aviez". Tout ça parce qu'il estime que je n'arrive pas à me faire "obéir" du plombier "qui n'a qu'à faire ce qu'on lui dit puisqu'on le paye pour ça", n'ayant pu obtenir de ce dernier un passage aux aurores demain matin mais la promesse de passer entre 10 h et midi (et j'étais déjà contente). J'ai bien mérité mes sushis.

 
         
         
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Concernant l'affaire Milou, je n'apprécie pas du tout avoir été manipulée.

Rien de ce qui a été avancé concernant la "mise en scène" de sa mort ne me permet de lui trouver une excuse.

Fin de la manipulation.

Pendant ce temps là, dans ma réalité....

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Déjeuner, hier, avec Kaba à qui j'ai transmis les dernières nouvelles de Sang-Po. J'ai tenté de savoir ce qu'il pensait des travaux entrepris dans la maison de campagne, de l'impliquer dans les choix qui restent à faire, d'avoir ne serait-ce que son avis sur le style de lampe que je voudrais acheter pour la chambre jaune mais son attention n'y était pas du tout. Il est juste ravi que la maison soit plus accueillante et tant qu'on peut l'y conduire, il est partant. Je lui propose d'y aller avec Sang-Po en novembre en sachant qu'il nous faudra rentrer en train puisque la voiture reste sur place. Il a décliné. Je sais pourtant que si papa/belle-mère passent le prendre en voiture et le déposent en rentrant, il ira bien volontiers. Toujours pareil. Je ne sais plus quoi en penser. Peur du regard des autres, du contact avec des inconnus ? Pas d'envie ? Plus trop l'habitude de se bouger ? Facilité ? Rien de tout ça, si ça se trouve. Comment savoir ?

J'ai retrouvé, ensuite, Tserba à la Bastille pour voir "Les Invasions Barbares". Ayant gardé un excellent souvenir du "Déclin de l'Empire Américain" et de ses personnages truculents, je m'attendais au meilleur. Je n'ai pas été déçue. Y'a bien quelques cheveux sur le scénario, notamment la scène où le fils de Rémy se rend au commissariat pour savoir comment se procurer de l'héroïne, la toute puissance du syndicat dans l'hôpital ou l'ultraprésence de l'argent sans lequel rien n'aurait été possible ... Cependant, si traiter de la fin de vie sans tomber dans le mélo (bon, faut quand même prévoir un kleenex) était le pari, il est tenu. Reste en tête le constat d'une génération d'intellos un brin bavards et désenchantés (l'idolâtrie des "ismes", Rémy et la révolution culturelle chinoise..) mais sacrément bon vivants.

Dans la série des petits plaisirs : j'ai, enfin, passé commande du dernier tome de Monsieur Jean, Dupuy et Berbérian, à la Librairie Brüsel avec, siouplé, jacquette sérigraphiée, édition numérotée et signée. Vivement, vivement !

Bon, allez, zou, j'ai un tas de mails auxquels je n'ai pas encore répondu cette semaine. Yapuka.

Et puis y'a la Freebox, arrivée en début de semaine, qui est toujours pas sortie de sa boite et qui doit bien se demander pourquoi.

 
     
         
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Le bonheur ça se trouve pas en lingot, mais en p'tite monnaie...

En tout cas, tout au long d'un concert de Bénabar, c'est certain. Ce soir, c'était à l'Elysée Montmartre avec Simon. De la Paresseuse à la Coquette, des portraits (le si délicat Je suis de celles) et des scènes de vie mordantes ou drôles (Y'a une fille qu'habite chez moi), des détails du quotidien (le sac à main) des textes repris en choeur par un public totalement acquis qui démarre au quart de tour. Un grand moment avec Petit papa Raël. Simon se tient les côtes, je suis écroulée de rire. Quelques heures après, je n'ai pas atterri et les images défilent. Il y a cette petite fille de 6 ans sur les épaules de son père, à côté de nous, hurlant de rire parce que Hulk est entrain de "aheum" la Barbie nympho. Il y a, où que je me tourne, ce public dont le sourire fait trois fois le tour du visage et dont les yeux brillants comme des miroirs renvoient vers Bénabar un peu du plaisir qu'il nous donne. Lui, il sautille, nous entraîne dans des lalalalala endiablés. Le plancher vibre sous les pieds qui trépignent lors des trois rappels, les plus que fans derrière nous qui réclament Le Vélo, hélas en vain. Il y a les bras de Simon autour de mes épaules pendant La Majorette et ses flonflons. Et puis le Slow ... ah le slow .... qu'en dire ? Un délirant moment de scène. Y'en a pas eu qu'un d'ailleurs.

Je prescris sans modération.

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Conférence du Dalaï Lama, à Bercy, avec Kunga. Des semaines que j'attendais cet événement et me voilà à quelques mètres de cet homme pour lequel j'éprouve un grand respect. Plutôt le voilà, lui, vêtu d'ocre et de pourpre, ajustant une casquette à visière pour se protéger de la lumière alors qu'il s'assoit en tailleur dans son fauteuil et éclate d'un rire si joyeux que la salle s'en fait l'écho.

Il y en a d'autres de ces rires ("I am a guinea pig" dit-il lorsqu'il parle de l'étude faite, et dont il est UN des sujets, sur le développement de la partie gauche du cerveau en rapport avec la pratique de la compassion) tout au long de sa réflexion sur le thème de la paix mais il y a également un grand silence respectueux lorsqu'il encourage chacun à plus d'engagement, à faire des choix qui vont dans le sens de la paix intérieure afin d'amener la paix extérieure. Des applaudissements timides parcourent l'auditoire recueilli lorsque le Dalaï Lama dénonce le commerce des armes, le fossé qui se creuse entre les pays du Nord et du Sud mais également entre les plus nantis et les plus pauvres d'une même nation.

Le discours peut sembler "simpliste" et j'en entends, autour de moi, dire qu'il a "dit bien des banalités", qu'on a "rien découvert de bien nouveau" etc.. Son discours, moi, m'a touchée et j'ai été tout simplement heureuse de pouvoir l'écouter, le voir tant parce qu'il est le représentant spirituel du bouddhisme tibétain mais surtout parce qu'il est le chef d'un gouvernement en exil, chef d'un peuple qui est cher à mon coeur.

La soeur du Dalaï Lama, Jetsun Pema (Présidente des TCV), participe à une rencontre-débat sur le thème des enfants tibétains jeudi prochain. Nous décidons avec Kunga d'essayer d'obtenir des places par l'Association A.E.T. et je dis "essayer" car toutes les manifestations font salle comble.

Croisé rapidement, trop (hélas), un jeune couple de parisiens, ayant adopté deux petites tibétaines, venues là en costumes traditionnels, qui m'encourage fortement dans mes démarches concernant Tsering. Tous deux me proposent de se revoir prochainement pour en discuter. A suivre ....

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J'entre d'un pas alerte chez mon revendeur de pastrami attitré, ce midi, pour me trouver nez à nez avec un gentil barbu au chapeau sombre (Chapi Chapo) qui m'agite sous le nez un assemblage de verdures et un citron jaune alors que, derrière le comptoir, Dédé et ses acolytes, dans un capharnaüm indescriptible, essaient de lui faire comprendre, en choeur, que c'est peine perdue, je ne suis pas israélite. "On agite les 4 espèces en récitant la bénédiction 7" me dit-il. "Et si je ne la connais pas, j'ai pas droit au pastrami ?" lui ai-je répondu avec un clin d'oeil. Lequel des deux fut le plus surpris ?

Bon, non seulement j'ai eu le droit à mon bagel pastrami mais également à une petite explication sur les quatres espèces à agiter pendant Souccot (la Souccah en rapport avec les 40 années d'errance dans le désert après la sortie des juifs d'Egypte) : une branche de palmier, du cédrat, de la myrte et une branche de saule. J'ai bien failli lui demander où il avait trouvé du cédrat et de la myrte mais bon, ça me semblait pas très opportun, j'avais la dalle et un tas de journaux "RDJ" à lire.

Je coqalâne.

Hier soir, Ampo est passé à la maison. Il prend de plus en plus conscience de tout ce qui ne va pas dans sa vie mais reste là, paralysé (comme moi devant ma freebox), sans savoir sur quel fil tirer en premier afin d'en finir avec cette pelote de noeuds qui provoque un mal être de plus en plus palpable. Nous nous revoyons demain soir pour un dîner rapide à la maison.

En nous quittant, nous nous dévorions des yeux comme des affamés.

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Mail reçu, ce soir, de Sang-Po : "J'essaie de trouver la poste, mais c'est pas simple d'envoyer une carte postale CROIS-MOI !!! J'ai eu un mail d'A. qui etait avec Lung Tok à la conference du Dalai Lama. Il y avait certainement beaucoup de monde....  J'espere que cela t'a plu. Je suis a Varanasi depuis quelques jours et je suis totalement seduit. J'ai decide d'y rester le reste de mes vacances. Je visiterai Bodgaya l'annee prochaine... La fenetre de ma chambre surplombe le Gange et le matin, la boule de feu qui sort des eaux innonde toute la piece. Je suis le seul a ce dernier etage et donc le seul a jouir d'une superbe terrasse... j'y invite un couple de francais avec lequel je sillone la ville depuis deux jours. J'ai une heure de cours de flute indienne tous les jours. Cette apres-midi j'irai faire les marches de la soie. et je rencontrerai THE fabriquant de flute de Varanasi... (fais suivre a l'interresse) Je t'embrasse".

Papa/belle-mère partent demain pour une semaine en Egypte.

Pfffff... m'en fiche, je vais retrouver Metog à la campagne ce week-end, na !

Ceci dit, je fais le point avec mon médecin lundi matin car je ressens toujours une douleur qui va crescendo au fur et à mesure que la journée passe (et dans les deux genoux). Je ne peux toujours pas porter de choses un peu lourdes ou prendre appui sur ma jambe droite. Ca craint. Impossible d'envisager un voyage lointain dans ces conditions.

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Sur ma messagerie, au bureau, ce matin :

"Un appel de l'extérieur - 21 h 57" (t'ain c'est pas vrai ! Peuvent pas nous oublier un peu)

"scrach, chriiiiik , schreeschreeee .." (bruits de papiers ou de tissus froissés, une voix au loin, pas très audible, le portable semble se trouver au fond d'une poche)

"bonne.... scriiiiiiick...... ahhhhhh..... scruuuuuuck schruuuuuk ....... je vais monter sur le lit, là, schrrruuuuuk...... cette tache ...... ahhhhhhh......schhhhhhhhruuuuuuu.... vérifier si c'est humide .... schrrriiiiiiiiii......" (moitié interloquée, moitié morte de rire, je reconnais la voix d'un plombier avec lequel je travaille régulièrement).

Fin du message.

1 pour réécouter. 2 pour sauvegarder. 3 pour effacer.

"Message effacé".

Moralité : toujours vérifier que le clavier du portable est bien verrouillé, apprécier travailler avec un plombier acceptant de passer tard chez un de nos clients pour vérifier que la réparation réalisée par sa société a bien mis fin à un important sinistre.

 
         
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wwwM. une sous Sophie Calle ? (expo "M"as tu vue ?" au Centre Pompidou).

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Sang-Po, de retour des Indes, déjà camp volant, insaisissable, en répét, par monts et par vaux. Il a juste trouvé le temps de m'appeler pour m'annoncer que la soirée du 4 ne lui suffirait pas pour tout me raconter, qu'il avait "ramené un tibétain dans ses bagages" pour lequel il avait "réussi à obtenir un visa" et qu'il héberge, qu'il a une tourista d'enfer, presque plus de batterrrr...bip,bip,bip ...

Il a du sentir que je rongeais mon frein et m'a adressé par mail le lien pour son album photo sur lequel je me suis, bien évidemment, précipitée. Et me voilà, tout sourire, à dévorer des yeux les photos de Tsering prises au Tibetan Children Village. Comme il a changé en deux ans. Je n'en reviens pas. Je scrute les photos où il se trouve avec Sang-Po afin d'y trouver les traces d'une complicité qui aurait pu s'établir entre eux deux. Mais ce ne sont que des instants "clics" qui révèlent très peu. Encore un peu de patience.

Difficile de revenir sur ces quinze derniers jours.

Pas envie.

Et pourtant tant à dire.

Depuis quelques mois, j'entends régulièrement chez les médecin ou spécialistes consultés des "normal pour votre âge" qui me font bien plus d'effet que le 5 qui arrive au grand galop. Prise de conscience certaine.

C'est entrain de me rattraper.

Je voudrais un peu souffler alors que je me vois à la fin du processus me permettant de vivre au mieux avec mon histoire. Et voilà ce corps qui se manifeste de façon bien tapageuse pour sortir du silence où je l'ai enfermé. Pas de répit. Je continue à avancer.